mercredi 14 août 2013

ELO#154 - Porretta Soul Festival 2013


Mercredi 14 août 2013

A Porretta, on ne vient pas que pour la musique ou les artistes, mais aussi pour l'ambiance à la fois bon-enfant, théâtrale et érudite, les artistes qu'on croise au restaurant, les concerts où l'on va et l'on vient sans se préoccuper de rater un quart d'heure par ci ou par là. Et aussi parce que ce festival se situe admirablement bien pour des vacances culturelles et gustatives... Musicalement, on sait que ce festival est consacré aux "vrais" musiciens de la soul sudiste américaine, donc soit des survivants (qui approchent les 80 balais au compteur), soit de jeunes imitateurs du monde entier.

Dans la deuxième catégorie, les excellents japonais de Osaka Monorail, gros succès pour leur jeu de scène, surtout pour ceux qui les voient pour la première fois:



Dans la première catégorie, commençons par les sexagénaires: Toni Green et David Hudson, qui revenaient tous les deux à Porretta pour la 4ème fois. Un fan club du troisième âge, le "Zocolo Duro" (le "Noyau Dur" des fans du festival de la première heure), qui a fait tirer des T-shirts "To Toni With Love", 14 lettres, 14 T-shirts imprimés avec chacun une lettre, voir à la 28ème minute de la vidéo ci-dessous) aide Toni Green à prendre l'assurance qui lui manquait lors de ses premières apparitions en Italie. La fabrication (je dis ça sans aucune méchanceté) du "mythe Toni Green", accueillie comme si elle était Michèle Obama, Madonna ou Aretha Franklin est assez fascinante. Elle est maintenant devenue "The Queen of Porretta", un personnage qu'elle incarne très bien, mais qui la dépasse parfois! Même si ça ne dure que 3 jours et que c'est dans un obscur village italien, ça doit lui faire plaisir! Et elle fait ça parce qu'on le lui demande: ça parait indispensable à un événement tel que le festival de Porretta d'avoir des stars, un cérémonial, des rires, des larmes, des robes, des paillettes, des applaudissements, une reine du carnaval, réelle ou, en cas de besoin, fabriquée!



David Hudson quant à lui délivre un set de reprises très équilibrées et parfaitement chantées (Who's Making Love, That's the Way I Feel About Cha, For the Good Time..., à partir de la 24ème minute dans la vidéo ci-dessous)... ainsi qu'une demande en mariage à sa fiancée en direct chaudement applaudie (56ème minute dans la vidéo ci-dessous, et sa future femme m'a certifié qu'il ne faisait pas ça à chaque concert!).


Pour ce qui est des septuagénaires, Mitty Collier venait en revanche à Porretta pour la première fois, et c'était même l'un de ses rares concerts en Europe depuis 40 ans qu'elle est devenue prêtre et refuse désormais de chanter la "musique du diable". Elle se contente d'un gospel un peu ennuyeux et de discours prosélytes fatigant... Quant au doyen, Bobby Rush, 79 ans, ses danseuses aux formes généreuses et moulées ont captivé l'attention, à mon avis au détriment de la musique. Pourtant il y avait de beaux moments très bluesy et très dépouillés (à partir de 22' sur la vidéo ci-dessous), seul à l'harmonica, ou avec Lou Rodriguez à la guitare, voire seul à la guitare.


Mais la révélation de l'année (pour un artiste de 73 ans, ça veut dire la révélation qu'il est encore bien conservé! Son T-shirt le dit d'ailleurs: "If the music is too loud, you're too old!") était Latimore, chanteur et pianiste, bluesy et sexy qui termine son set (la première demi heure de la vidéo ci-dessous) par son chef d’œuvre, Let's Straighten it Out, rejoint par Bobby Rush à l'harmonica et par David Hudson aux chœurs, grand moment d'émotion... Porretta est aussi connu pour son final (la dernière demi-heure de la vidéo ci-dessous) où les artistes se rejoignent sur scène pour deux morceaux tous ensemble, d'abord l'hymne de Porretta, catastrophique parce que mal répété, puis Sweet Soul Music. Quand vient le tour de Mitty Collier elle chante la gloire de dieu au lieu de celle de Wilson Pickett, Otis Redding ou James Brown. Puis elle invite son compère Calvin Bridges qui force tout le monde à entonner "Praise Him", dans un véritable hold-up prosélyte. Mais petit à petit, les chanteurs sur scène se prennent tous au jeu du gospel et improvisent un petit couplet à leur manière sur le thème religieux, d'abord Latimore, puis Bobby Rush, David Hudson, Toni Green, et ça finit par donner une fin assez sympathique, à près de 2h du mat...


Toutes les vidéos sont là:
http://www.youtube.com/user/lepidatv/videos

Avant Porretta, et sans vous raconter ma vie, j'ai aussi passé une semaine à Naples et découvert deux morceaux qui me feront maintenant penser à cette ville magique. D'abord, le chanteur Pino Daniele, qui chante en langue napolitaine tout en jouant une musique proche du blues américain, comme en témoigne ce magnifique Je So' Pazzo (je suis fou), de son deuxième disque en 1979.

Ensuite Tu Vuò Fa' L'Americano, la chanson (et le clip, si l'on peut dire) marrante de Renato Carosone, en 1956, elle aussi interprétée en langue napolitaine et qui ne semble pas nécessiter de traduction.


Pourtant Akhenaton, le chanteur d'IAM, a repris et adapté cette chanson dans son premier disque solo, Métèque et Mat, en 1995. Comme souvent avec le rap, cette "chansonnette" nous en apprend en fait beaucoup, sur Akhenaton (originaire de Naples lui aussi), sur la jeunesse, sur l'immigration italienne et méditerranéenne, sur le fantasme américain, mais aussi sur l'impérialisme, la conscience politique et nos rapports ambigus avec ce pays...


Tout ce qu'on aime, d'ailleurs, chez IAM et dans le bon rap, leur conscience politique, et pas seulement de la politique française, comme en témoigne cet autre titre des années 1990, J'Aurais Pu Croire (voir les paroles ci-dessous), de leur album Ombre Est Lumière, de 1993, juste après la première guerre du golfe, l'intervention américaine en Somalie et la conversion d'Akhenaton à l'Islam, et juste avant les accords d'Oslo... IAM a d'ailleurs participé cet été au 40ème anniversaire du rap qui s'est déroulé à Central Park, à New-York, avec Rakim en guest.
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Midnight Train to Georgia


Au départ c'est une chanson country écrite et chantée par Jim Weatherly en 1972, intitulée Midnight Plane to Houston. Tout de suite il la propose à Cissy Houston (chanteuse de soul et de gospel, surtout connue pour être la mère de Whitney Houston). Elle accepte à condition que la chanson se plie à un public noir, donc qui prend le train plutôt que l'avion, et qui s'en va en Géorgie plutôt qu'au Texas! Son chant est soul, mais elle garde l'esprit ballade de la chanson, et si elle enlève la peal steel guitar, elle garde les violons, la guitare sèche, l'harmonica, les choeurs féminins... Quand Gladys Knight la reprend un an plus tard, elle en change complètement l'atmosphère, et si elle garde les violons, elle y ajoute un rythme intensifié par les choeurs masculins des Pips et une section de cuivre qui comprend les frères Brecker. C'est aussi cette troisième version qui connaîtra le plus grand succès, atteindra la première place du hit-parade et obtiendra même un Grammy en 1974.
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Musique


Joe Tex aurait eu 80 ans hier, alors voici un excellent clip de I Gotcha, ici dans Soul Train avec une super danseuse:


Cat Power, King Rides By. C'est le ré-enregistrement en 2011 d'un de ses vieux morceaux de 1996, sorti en clip et en single uniquement au profit de je ne sais quelle organisation:


Une documentaire assez bien fait, d'une heure sur Otis Redding, en français. La chanson Otis (1984), de Magma, dont un extrait se trouve dans ce documentaire.

Fichiers audio de deux concerts d'une heure à Newport le mois dernier: Folk-soul avec Michael Kiwanuka (on peut télécharger ce concert) et Latin-jazz avec Eddie Palmieri.
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J'aurais pu croire
IAM

J'aurais pu croire en George Bush mais voilà:
Sa vision des U.S.A. ne me satisfait pas
Justice à deux vitesses pour les Blancs, pour les Noirs
Les gendarmes du monde ne méritent pas d'égard

Ils sont intervenus au Koweït pour le pétrole et l'argent
Les droits de l'homme rien à cirer au pays du Klan
Les marchands d'armes contant, les patriotes coûtent chers
Cool la guerre vu d'un fauteuil les soldats dans le désert

Il paraît que George aime les Chiites
Surtout quand ils se trouvent entre le Koweït et l'Irak
Les Kurdes peuvent attendre vu qu'ils habitent
Près de la frontière turque au nord de Bagdad

Ce justicier fait respecter les résolutions à qui il veut
S'offrant une sortie de la maison blanche sous les feux
Quand un tomahawk tombe sur un hôtel vous savez c'est normal
La D.C.A. Irakienne vise mal

Dites-moi je voudrais savoir
Ce que ça vous fait de bombarder un pays qui a 6000 ans d'histoire ?
Rien pour les auteurs d'un génocide. Moi
J'aurais pu croire en Bush mais je ne le crois pas

J'aurais pu croire en Saddam mais voilà:
Sur le drapeau Irakien il a fait écrire Allah
Comment peut-il faire ça après avoir persécuté
Traqué les fervents Musulmans pendant des années ?

Saddam, tu ne me feras pas croire à moi
Que tu fais la prière en dehors des caméras
Sais-tu au moins qu'exhiber son portrait dans tous les coins
Est interdit par notre livre saint le Coran ?

Et tu blasphèmes blasphèmes et blasphèmes
Te prends pour Saladin
Oubliant par la même qu'il était d'origine Kurde
Abusant ton peuple, manipulant les esprits à la guerre sainte appelle

La guerre sainte se dit en Arabe : "al-jihad fi sabil Allah",
"L'effort sur le chemin de Dieu". Un document du Vatican précise:
"Le Jihad n'est aucunement le carême biblique il n'entend pas
à l'extermination mais à étendre à de nouvelles contrées
les droits de Dieu et des hommes."

Que les serviteurs du bien le maudisse. Moi
J'aurais pu croire en Saddam mais je ne le crois pas
"Croyez-moi si vous l'voulez"
"Je n'le crois pas"

J'aurais pu croire en Israël mais
Les différentes religions n'y vivent pas en paix
Les deux tiers du territoire que les sionistes ont occupés
Par l'ONU en 48 n'ont jamais été attribués

Pense à tous ces Russes et ces Polonais
Fraîchement arrivés
Et qui ont chassé les Palestiniens qui habitaient sur cette terre
Et qui l'ont travaillée et chérie pendant des millénaires

On les a conduit dans des camps et dépouillés là
Ils furent massacrés à Sabra et Chatila
Dieu a signifié aux hommes de toutes les races:
"Ne fait pas aux autres ce que tu n'aimerais pas que l'on te fasse."

Après les tueries par ces chiens de Nazis
Je ne peux pas croire que vous ayez agi ainsi
J'ai rêvé une nuit de deux beaux frères jumeaux:
Palestine et Israël en harmonie souverains et égaux

Mais balles contre cailloux, canons à pierres
Expulsés aux frontières je ne puis me taire
Le David d'antan est devenu Goliath. Moi
J'aurais pu croire Israël mais je ne le crois pas

J'aurais pu croire en Khomeiny en son sectarisme
Son credo manque de beaucoup de réalisme
Incapable de dissocier tradition et Islam
Rien qu'à la manière dont il traite les femmes

Dieu n'a jamais rien dit de si indigne
Et chaque livre saint se comprend entre les lignes
Mélanger politique et religion signifie
Donner la victoire au matériel face à l'esprit

A l'humain face au divin à l'instant face au passé
Quiconque croit en Dieu sur terre n'a pas besoin de diriger
L'Histoire le prouve à chaque époque. Moi
J'aurais pu croire en Ayatollah mais je ne le crois pas

J'aurais pu croire l'Occident si
Tout ces pays n'avaient eu de colonies
Et lors de l'indépendance ne les avaient découpés comme des tartes
Aujourd'hui il y a des guerres à cause des problèmes de cartes

Morosité quelle est la source ?
Ils ne jurent sur jamais rien d'autre que la bourse
Eux aussi ont leurs intégristes fanas
Catholiques pyromanes qui mettent le feu aux cinémas

Leurs reality show, leur télé pourrie
Leur voyeurisme a faire pleurer les mamies
La poudre au yeux, telle est leur stratégie. Moi
J'aurais pu croire l'Occident mais je ne le crois pas

Dans tout ce chaos je sais où je suis
Et je sais désormais où je mets les pieds aujourd'hui

Et ce n'est pas sans fierté que j'avoue avec émoi
Que je pourrais croire en Dieu en toi en moi
Et j'y crois
"Croyez-moi si vous l'voulez"
"Je le crois"

"Ils ont vécu dans une de ces rares époque de certitude
où l'homme sait ce qu'il fait et où il va parce qu'il croit."

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