mercredi 11 avril 2018

ELO#321 - Higelin est mort, qui qui dit mieux?


11 avril 2018

Higelin, c'est le premier artiste dont j'ai été fan, celui qui m'a appris à être fan, à apprendre les paroles par coeur, à guetter les sorties de disque, les concerts, les festivals ou les émissions de radio ou de télé qu’on enregistrait, ou même où l'on pouvait avoir l'occasion de le croiser et d'assister à l'une de ses imprévisibles performances, un de ses monologues drolatiques, une de ses improvisations interminable, et rater encore une fois le dernier métro...

J'ai raté ses débuts au cinéma (dans Bébert et l'Omnibus, il jouait le grand frère de Bébert, je me souviens très bien de la scène) et son premier disque avec du jazz et des reprises de Boris Vian. De cette époque, vous pouvez voir les deux premières chansons fantastiques du best-of de l'INA ici:

En revanche, à la maison on avait le disque Crabouif (1971), avec son pote Areski. Et c'est ainsi que j'ai découvert un chanteur qui se permettait de déconner sur un disque (avec le jeune Arthur H., 5 ans!): Tiens j'ai dit tiens, mais aussi la très jolie ballade, que j'ai déjà écoutée 14 fois aujourd'hui (faudra pas oublier de déposer des bottes de roses sur sa tombe):

Je suis mort qui qui dit mieux (...) Ceux qui ont jamais croqué d'la veuve (...), peuvent pas savoir ce qui gigote dans les trous du défunt cerveau quand sa moitié dépose une botte de rose sur l'chardon du terreau

Dans une France yéyé où la musique ne faisait pas le poids avec celle du reste du monde, la révolution Higelin s'appelait BBH75, qui fut peut-être le premier vrai disque de rock de ce pays, un trio sans concessions, comme avec ce Mona Lisa Klaxon psychédélique que je connaissais par coeur sans rien y comprendre (comme tout le reste du disque d'ailleurs, et des autres disques aussi!). Et s'il se calmait, c'était quand même pour flatter le vice, Cigarette, dont on voit aussi une version dans la compilation de l'INA (ci-dessus), et dont il a donné une rare version électrique et bluesy à Bercy en 1985.

Mon disque préféré, il en faut bien un, c'était Alertez les Bébés (1976). La musique était plus sophistiquée, avec toujours de bons musiciens, comme Pierre Chéreze à la guitare, dans Le Minimum, et il ose même me faire aimer l'accordéon dans un blues révolutionnaire, Coup de Blues.


Dans le genre raretés, mon frère avait acheté un 45 tours qui contenait une chanson inédite, Jaloux d'un Rêve, dont on peut voir un clip sur le best-of de l'INA (décidément très sympathique!). Une autre, que je n'avais jamais entendu: Pars, son premier "tube", mais repris par Grace Jones, dans son album Warm Leatherette (1980).

Et puis arrive Champagne pour tout le monde... et caviar pour les autres, un double disque bourré de pépites, par exemple Vague à l’âme, qu’est-ce que je l’aimais cette chanson... Il va encore plus loin avec un triple album live à Mogador en 1981 (aussi mon préféré!). J'étais dégoûté d'être trop jeune pour avoir raté ces concerts drôles et interminables. Sur la compile de l'INA on voit une version de Hold Tight, de Fats Waller s'il vous plaît, proche de qu'il faisait à l'époque. Mais le disque contient beaucoup d'autres tours de force, comme ce Je veux cette fille de 16 minutes, avec une longue digression de blues de 13 minutes, et Alain Guillard au sax...

Alors de fin 1981 à 1989, je pense que je n'ai pas raté beaucoup de ses passages à Paris (par exemple celui ci, une demi heure au petit Théâtre du Sentier des Halles, pour une émission sur France Inter, Didier Lockwood avait rejoint les musiciens en cours d'émission). En plus, ce sont mes années lycée et, le chanteur dont on est fan au lycée correspond à une certaine identité. J'avais choisi Higelin quand d'autres avaient choisi Renaud ou Thiéfaine, c'était mon destin! Dans cette décennie synthétique, l’humour, l'inventivité, la sincérité et la générosité d’Higelin étaient comme des bouffées d’air frais. C’est aussi Higelin qui m'a fait découvrir Youssou N'Dour, Mory Kanté, Ray Léma... et peut-être une ouverture vers d'autres musiques?

En 1988 sort Tombé du Ciel, un de ses plus grands succès, mais là c'est moi qui tombait du ciel. Higelin qui dans les annés 1970 s'adressait à des adultes pendant que la France entière s'adressait à des adolescents, retombait en enfance avec des chansonnettes, alors que moi j'allais bientôt rentrer à la fac... C'est là que nos chemins se sont séparés, et je réalise aujourd'hui qu'il n'en était alors qu'à la moitié de sa carrière, même si de l'avis de tous (et la compilation de l'INA en témoigne), le meilleur était déjà passé...

J’ai continué à en entendre parler, et jamais je n’ai eu honte de mon idole passée (alors que Renaud...). Contrairement à ce que j’ai lu ici ou là, il n’a pas très longtemps été ni d’extrême gauche, ni très militant, ni très politisé, mais je l’ai quand même vu aux côtés des mal-logés ou des sans-papiers dans les années 1990 et 2000.

A propos des flics, en 2000 :
   
En 2013, Sandrine Bonnaire etait venue faire un duo sur son disque, sur Duo d'anges heureux. Elle répète l'expérience lors d'un de ses concerts, et on peut assister à l'humour et au talent d'improvisateur intacts du Grand Jacques:

L'année suivante elle sort le film qu'elle avait tourné sur lui en 2014.

Sur France Inter: 10 émissions d'une heure pour raconter l'histoire du Grand Jacques. Voici la première si ça vous dit, vous trouverez les autres ensuite:

Sur Arte: Higelin à la Philarmonie en 2015. On voit que le grand Jacques a pris un sacré coup de vieux... mais après ce concert, l'un de ses derniers, Higelin ne veut plus quitter la scène, et il remercie le public pendant 10 minutes, ému:

Juste pour boucler la boucle, en 2015 il appelle son dernier disque Higelin75, et il comporte une chanson testament, une réponse à Cigarette, 40 ans plus tard. Alors on va le laisser partir comme ça, en fumée:

En attendant que le fossoyeur me creuse une tombe au père Lachaise (...) en attendant qu'le temps s'arrête et qu'le ciel me tombe sur la tête, je tire ma révérence, J'fume, une dernière taffe de provoque...
 
Higelin au Père Lachaise, ce ne sera pas vraiment "live", mais si cette dernière apparition publique vous intéresse, bien qu'il risque d'être moins bavard et marrant que d'habitude, ce sera au Père Lachaise, le 12 avril à 13h30. Public bienvenu a précisé la famille...
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Autre musique

Soul pure, Bette Smith, joli clip tourné à Rome, pour I Found Love:

Hommage à Marvin Gaye d'une heure et demi rendu au Midem à Cannes en 1993, avec Chaka Khan, Al Jarreau, Randy Crawford, Ashford and Simpson, Omar, El Debarge, George Duke, Galliano, Nona Gaye, Stanley Jordan, Chante Moore, The Pasadenas, les Pointer Sisters, Diana Ross, Shaï, Hamish Stuart etc.

Grands moments:

Chaka Khan sur How Sweet It Is:

Duo Al Jarreau / Randy Crawford sur Your Precious Love (qu'ils avaient déjà fait en 1981 à Montreux):

Et, à propos de Randy Crawford, voici sa reprise du classique de Bob Dylan, Knockin' On Heaven's Door, avec solo de guitare par Eric Clapton, et solo de sax alto par David Sanborn, en 1989.
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Quelques vidéos

Ca peut être utile, le fameux extrait du film La Haine (1995, il y a plus de 20 ans, ça ne nous rajeunit pas.....), Jusqu'ici tout va bien:

Ca peut être utile aussi: Bande de Cons (8 minutes)

L'explication de l'apparition du Funk sur terre en 2 minutes:

L'explication de l'apparition des Bagels sur terre, en 7 minutes:

Les progrès des robots:

Mais on pourra toujours les piéger:

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